Ne pas déranger...

  L’ahuri, adroit modéliste, projette une belle maquette et demande au moniteur quelle motorisation choisir. 

    - Si tu veux du rigoureux va voir le matheux ! répond le moniteur qui voudrait bien prolonger sa petite sieste. 

    - Je préfèrerais des recettes de cuisine,  j’aime bien le calcul mais quand je le comprend . 

    Devant cet argument paresseux mais imparable le moniteur renonce en soupirant à sa méridienne. 

    - Un centimètre cube de moteur fait voler 500 grammes d’avion ; quel poids ton avion fini fera- t-il ? 

    - 5 Kg… Ouais !… Donc mon 10 cc deux temps peut les emmener ! … Mais il va hurler à 10 000 tours/mn avec un bruit affreux pour sortir sa puissance sur une hélice petite et moche ! 

    - … C’est que nos moteurs ordinaires n’ont pas assez de couple à bas régime pour tourner de grands diamètres ; il nous faudrait des quatre temps bicylindres ou mieux quadricylindres qui coûteraient bien cher !… 

    Le matheux vient à la rescousse du moniteur : 

    - Pour délivrer une puissance l’hélice doit accélérer une masse d’air… Plus la masse et l’accélération seront grandes plus grande sera la puissance… Mais le rendement propulsif augmente quand la différence de vitesse de l’air diminue entre l’amont et l’aval de l’hélice… Si on veut un bon rendement il faut accélérer l’air le moins possible, donc en augmenter la masse… et la seule façon qui reste de le faire c’est augmenter la section de passage donc le diamètre de l’hélice. 

    - Bravo jeune homme ! N’oublions pas que la puissance d’une hélice augmente comme le cube de ses tours et la puissance cinquième de son diamètre, c’est donc le diamètre qui est prépondérant, donc l’allongement… 

    - Comme nos grandes ailes de planeur ! dit le renard qui se mêle à la conversation. 

    - Tout à fait ! Nous devons donc choisir le plus grand diamètre possible compatible aux possibilités de notre moteur, on perdra des tours mais on gagnera en rendement ; on choisira le plus petit pas suffisant à la vitesse nécessaire à l’avion et on regagnera quelques tours… 

    - D’où l’intérêt du réducteur qui permet au moteur de conserver son régime de puissance et ralentit l’hélice en lui permettant grand diamètre ! dit le renard… 

    - Comme les moulins à vent qui n’ont pas de petits bras que je sache ! dit Lulu qui arrive à point pour égayer l’austère compagnie. En somme le secret de l’aérodynamisme comme de la séduction c’est de déranger la masse d’air le moins possible et de passer à travers elle sans se faire remarquer. 

    Et Lulu s’éloigne discrètement sur ces paroles remarquablement énigmatiques. 

    Pour préciser il faut des exemples, dus à l’ami Champenois : 

    Puissance absorbée par une hélice courante à 10 000 tours : 

10 x 4 = 0,27 cv

10 x 5 = 0,40 cv

10 x 6 = 0,45 cv

10 x 7 = 0,55 cv 

11 x 6 = 0,55 cv

11 x 7 = 0,65 cv

11 x 8 = 0,75 cv

12 x 5 = 0,66 cv

12 x 6 = 0,85 cv

12 x 7 = 1 cv

12 x 8 = 1,30 cv

13 x 5 = 1 cv

13 x 6 = 1,12 cv

14 x 4 = 1,22 cv

14 x 5 = 1,30 cv

14 x 6 = 1,5 cv

14 x 8 = 1,85 cv

15 x 4 = 1,6 cv

15 x 6 = 1,95 cv

    On peut tracer une courbe pour estimer la suite. 

   … Et si on tourne moins vite ? 

    La perte est proportionnelle au rapport des cubes. Exemple : 

    2 cv à 10 000 tours/mn seront combien à 8 000 tours/mn ? 

    2cv x 8x8x8 divisé par 10x10x10 = 1 cv