VSV primitif

      La troupe est devenue experte en instrumentation antique et nourrit des projets téméraires.
 Lulu tempère les enthousiasmes et exige qu’on s’éclaire préalablement des lumières du vieux ( le moniteur se sent flatté )… même si elles ne brillent pas toujours bien vivement ( le moniteur se sent moins flatté). 

    Le renard propose de voler sans visibilité ( pour de rire, précise Lulu ) avec la boussole, arguant qu’il a lu que… 

     Le moniteur l’interrompt diplomatiquement : 

-On a tous essayé, en douce, mais avant d’aller plus loin exposez-moi vos arguments. 

       Le matheux est le porte parole: 

     -Il faut demeurer stable rectiligne et de niveau, le temps de traverser un petit nuage par exemple. Si l’avion est bien centré et bien réglé il va rester stable longitudinalement. Si une phygoïde se déclenche elle doit s’amortir. 
   Il reste à empêcher l’avion de s’écarter de son cap, car de lui-même il va diverger, mais très lentement au début, les ailes très peu inclinées pour commencer, assez lentement pour qu’on puisse le maintenir en ligne droite en contrant très doucement la dérive de la boussole… 

     -Tu as raison théoriquement…et des anciens le faisaient…dont peu ont survécu. 

     Murphy dit qu’une phygoïde va démarrer…et vraisemblablement ne pas s’amortir bien que l’avion soit certifié. Une petite turbulence…un centrage qui bouge un peu parce que quelqu’un a bougé dans l’avion… un léger changement de régime moteur… c’est pas le plus méchant! 

     Les avions avec lesquels les anciens procédaient étaient presque autostables en roulis, avec de forts dièdres et des dérives minuscules, à la limite de l’auto balancement (roulis hollandais), comme des modèles réduits de vol libre à guidage magnétique en vol de pente.
    Il fallait suivre la dérive de la boussole (dont la rotation avait intérêt à être bien amortie, style énorme compas de marine à cadran horizontal comme sur le vieux Tiger Moth anglais qui est passé nous voir la semaine dernière) et corriger très lentement sinon la boussole repart de l’autre côté et comme on court après… 
-On entretient et amplifie les oscillations dit le matheux. 

   -Exact. Nous sommes handicapés pour essayer car on n’a plus les avions avec lesquels c’était parfois possible ( le bombardier Voisin en 14 ). 
Avec certains il ne fallait utiliser que la direction ( peu de roulis induit ), avec d’autres, plus rares, que les ailerons ( peu de laçet inverse )… 
Mais on va oser quand même…
Pour de rire comme dit Lulu… avec un qui essaye et moi qui regarde dehors en ciel clair.
    L’ahuri va nous confectionner un tube en carton translucide dans lequel le cobaye va mettre la tête et ne verra que la boussole et pas l’extérieur. Qui commence ? 

Les candidats se bousculent peu mais vont sortir l’avion. 

     Dans le ciel parfaitement calme du soir et la splendeur du couchant on n’a jamais entendu autant de jurons dans le Piper et le moniteur garde secrète la durée du record.